UNE AFFICHE D'ART BRUT

Je suis allée deux fois à Lausanne pour visiter la Collection d’Art brut. La première fois, j’étais en compagnie de E, J et peut-être M (mais il est possible que je confonde avec un autre séjour en Suisse). J, à l’époque, habitait près de Neuchâtel. Cette visite m’a fait une si forte impression que pendant des années je n’ai cessé de penser aux œuvres que j’y avais découvertes. Alors quand j’ai écrit un texte dont un moment clef se déroule dans ce musée, j’y suis retournée. E et moi avons loué une voiture à Lyon. Passer la frontière, retrouver l’accent traînant des Suisses et leur manie des factures individuelles dans les cafés : beaucoup de souvenirs, pour moi et surtout pour E. Le lieu dédié à l’art brut avait été agrandi. Entre temps, j’avais lu l’exceptionnel document de Jean Hartzfeld « Dans le nu de la vie », qui donne la parole aux victimes du génocide au Rwanda. Je me suis dit, c’est la même chose. Quand on ne maîtrise pas tous les codes, quand on n’a pas la représentation du cadre dans lequel on « doit » s’inscrire, on produit des œuvres, des paroles qui touchent les autres tout droit, sans détour. Réinventant le langage, le débarrassant de ses masques, de ses corsets, de ses minauderies. Je sais que la vie a sa part cachée dont on ne parle pas. La formuler est difficile, mais possible. Dans mon salon, Aloïse me le rappelle.

Comments

[Tamara]

Ma première "rencontre" avec Aloïse Corbaz a été un vrai choc émotionnel, et je dois dire que l'Art Brut me procure de profondes émotions picturales. C'est d'ailleurs grâce à cette découverte, que je suis venue à la peinture de manière complètement décomplexée et libre!

[Ani]

Touchant votre rapprochement avec la parole des victimes!
Merci de nous communiquer cette impression si forte qu'elle dure depuis des années.
C'est vrai que la première visite à la Collection de l'art brut, c'est quelque chose qu'on oublie jamais.
Je m'emploie pour ma part à renouveler ce miracle.