UNE ARMOIRE BERRICHONNE

Elle me vient de ma grand-mère maternelle. Je ne l’aimais pas et pourtant j’aime beaucoup cette armoire. Elle se trouvait dans le minuscule 2 pièces où ma mère, son frère et sa sœur ont été élevés. Je me souviens que mon aïeule, méchante comme une teigne avec la seule fille qui lui restait (ma mère), m’a toujours destiné le meuble, pour des raisons que j’ignore (pourquoi moi, parmi la ribambelle d’enfants ?). Je n’ai pas d’images de l’armoire là-bas.

C’est une armoire fabriquée par un artisan scrupuleux, qui a utilisé des chevilles en bois. Tout s’emboîte et s’organise selon un ordre implacable. Une erreur dans le montage, et vous êtes cuits. Or il fallait transporter l’objet de ville en ville. Et donc le transformer en petit tas de planches, les chevilles à part dans des enveloppes, classées par grosseur. Puis effectuer les opérations inverses, tentant de nous repérer à l’aide d’un schéma réalisé au cours du démontage, et de marques à la craie –elles avaient semblé si claires avant…

C’est une armoire simple, modeste, au bois soyeux. J’aime ses lignes, que je trouve élégantes ; le bruit de la porte lorsque je la tire pour mettre un cd dans la chaîne hi fi qui se cache là ; tous les souvenirs qui y sont associés –lieux où nous la placions ; vêtements, linge, objets dont nous la garnissions ; scènes dont elle a été le témoin…

Ma fibre familiale est fort réduite, je n’ai aucune attache avec une région d’origine qui se signifie rien pour moi, ma grand-mère n’est qu’un mauvais souvenir. Pourtant, clando, l’armoire s’est installée dans ma vie.